mercredi 14 décembre 2016

"Orion" (Roman, Bernard Campiche Editeur, 2008)



Un hôtel à Genève. Des clients de passage, dont on ne retient qu’une impression fugace, une séquence de faits et gestes. Un vieux professeur aveugle qui disparaît mystérieusement en laissant des extraits de textes anciens en guise de testament. Un écrivain qui s’efforce de donner sens à cette histoire. L’enquête nous entraîne à tâtons dans la nuit des temps, aux sources de notre civilisation, à l’époque où Genève était la capitale d’un royaume burgonde, où des légions oubliées défendaient les frontières d’un empire fantôme. Le récit peu à peu prend forme à partir de liens invisibles qu’on tisse entre des points de lumière dans l’obscurité, comme une constellation.

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Revue de presse:

Orion, le roman de la Genève burgonde

Histoire et fiction – Passé et présent se mêlent dans ce roman très réussi, situé dans un hôtel de la ville.

Publicitaire faute de mieux, un écrivain a échoué dans un hôtel genevois spécialisé dans l’accueil des symposiums en tous genres, l’Orion. Cet endroit de passage est cependant occupé de manière permanente par Bertrand Droz, un professeur d’université à la retraite qui préfère son animation à la fossilisation de l’EMS.
Robert Arnoul va se lier avec le vieux monsieur, qui semble divaguer un peu. Monsieur Droz parle ainsi beaucoup des Burgondes, ce peuple barbare qui régna sur Genève à la fin du Ve siècle. «Oui mon cher ami, ici même, on éleva des rois sur des pavois.» L’homme a beaucoup écrit sur eux. Son interlocuteur retrouvera d’ailleurs de nombreuses notes (inédits? brouillons de roman? élucubrations?) quand Monsieur Droz disparaîtra sans crier gare…
Troisième titre de Frédéric Lamoth à paraître chez Bernard Campiche, Orion est un livre très cultivé où le lecteur avance à tâtons, comme le fait le protagoniste, privé de l’historien, puis d’une femme elle aussi évanouie dans une sorte de brouillard. Le squelette retrouvé dans un sarcophage sans inscription au bord de l’Arve est-il ainsi bien Desiderius, «le dernier des Romains» égaré dans le monde burgonde? Ce serait trop beau.
Bien conduit, bien écrit et, ce qui ne gâte rien, bien imprimé, Orion mélange la réalité des faits anciens (Godegisèle, roi de Genève, fut bien égorgé par son propre frère Gondebaud, roi de Lyon, dans la cathédrale de Vienne en 501) à une fiction contemporaine. Il rappelle ainsi que, sous la ville actuelle, subsistent les traces d’un passé parfois sanglant. Le savoir confère une sorte d’épaisseur au temps. «Notre histoire est un courant qui se perpétue.»

ÉTIENNE DUMONT, Tribune de Genève


Tout ce que l’homme a généré

Frédéric Lamoth. Quel rapport y a-t-il entre Genève au temps des Burgondes et notre époque? Une constellation de fantômes et de fragments d’histoires: Orion, un roman très construit.
Durant le siècle obscur, à l’écroulement de l’Empire romain, le bout du lac Léman abritait la capitale des Burgondes. Point de départ inattendu pour Orion, le troisième roman de Frédéric Lamoth. Son narrateur rencontre un vieil homme presque aveugle dans le hall de l’hôtel Orion à Genève. Se présentant comme un professeur d’histoire à la retraite et guetté par la mort imminente, le vieillard se met à conter des fragments de civilisation barbare, d’histoires burgondes, de populations déplacées, de rois, de batailles et de fastes. Peu à peu se tisse une constellation de points clignotant dans ce lointain passé méconnu qui fascinent le narrateur. Une constellation qui, bien sûr, ne pouvait se révéler que dans le hall improbable de cet hôtel Orion.
Mais le vieil homme disparaît. Intrigué, notre narrateur va mener l’enquête sur ce passé burgonde, sur le vieux professeur, sur une femme mystérieuse qui passe. Très vite, Frédéric Lamoth s’emploie à déstabiliser le réel, à mettre en doute la réalité des clients de l’hôtel qui passent, l’existence même du vieux professeur. Insensiblement, le roman quitte le terrain strictement narratif pour se mettre à interroger l’Histoire, notre perception de l’Histoire et des histoires qui la constituent. Vertige.
«Mais tout ce que l’homme a généré par la pensée doit bien subsister et s’accumuler quelque part. Ses nostalgies, ses espoirs sont têtus et obstinés, ses effrois sont tenaces; ils ne peuvent l’accompagner ailleurs que dans ce monde.» Formule centrale du roman, et refus du fantomatique, de l’éthéré. Il faut forcer l’étrange. S’étant présenté comme écrivain et se piquant peu à peu au jeu, le narrateur d’Orion réalise soudain qu’il n’a guère le choix désormais, après s’être approprié les récits et les maigres notes de son interlocuteur: «Je dois trouver l’issue. Le sens. La foi. La parole et l’écriture. Ne pas m’enliser dans le terrain vague de nos vies. Dans ce silence, rivage de la mort qui m’interroge, bouche bée.»

Histoire, nos histoires

Très construit – malgré des longueurs «historiques» perturbant quelque peu la lecture –, le roman de Frédéric Lamoth obéit à une heureuse gradation. De l’histoire étrange, des figures qui hantent le narrateur, il sait porter son propos en l’élargissant jusqu’à une fondamentale réflexion sur l’Histoire et nos histoires. Sur la transmission du savoir et le sens à lui donner, la foi à avoir pour écrire. Réinvention autant que dégagement du mystère. Jusqu’à clore son livre avec ces phrases inspirées: «N’oubliez pas, jeunes gens, que la vie tient à nos paroles inspirées, quelques notes improvisées, à nos élans qui débordent du cours du temps. Souvenez-vous que la vie passe par nos histoires, que notre histoire est un courant qui se perpétue.»

L’écriture, bien sûr

Au fond, mettant en abyme la figure du narrateur, ce jeune homme qui cherche à écrire un livre, Frédéric Lamoth convoque la problématique de l’écriture comme fondement culturel. Tels les points lumineux d’Orion, des textes clignotent et perpétuent nos histoires, en écho à l’Histoire.
Un livre à accompagner jusqu’au bout, dans ses méandres et les errances du narrateur, parfois touffues, pour saisir toute la profondeur de cette belle réflexion sur tout ce que nous avons généré. Sur le temps et l’impalpable fil de la vie.

JACQUES STERCHI, La Liberté


Du siècle obscur

Frédéric Lamoth dépoussière l’Histoire dans
Orion.

De tous les textes de l’auteur vaudois Frédéric Lamoth se dégage une atmosphère de mystère lustré, que ce soit dans La Mort digne, premier roman remarqué relatant la marche, vers sa mort choisie, d’un militaire à la retraite, dans Les Sirènes de Budapest, où Lamoth s’appuyait sur ses origines pour raconter l’histoire des migrants hongrois de 1956, ou dans ce récent Orion. Robert Arnoul est un jeune homme qui se voudrait écrivain, mais a bien peur de n’avoir rien à dire. Son existence prend une tout autre tournure lorsqu’il rencontre Bertrand Droz, ancien professeur et spécialiste du «siècle obscur», cette période charnière entre la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge. «Singulier voyageur» logeant à l’Hôtel Orion, à Genève, il confie des morceaux de sa vie à Arnoul, sous forme d’anecdotes, de légendes, de fragments de cours. Orion est un roman mêlant fresques et portraits colorés, dont l’intelligence de la construction parvient à emporter le lecteur dans un sujet qui, selon les mots de Droz, «n’intéresse plus personne». Mais c’est que l’Histoire, ici, se dépoussière, devient mythique et légendaire, pour trouver enfin un écho dans notre présent.

BRUNO PELLEGRINO, 24 Heures




Orion

Orion est un petit hôtel de Genève. Il y défile des personnages indéfinis, fugaces et indifférents. On se demande s’ils existent ou si ce sont des fantômes, comme par exemple ce mystérieux professeur aveugle qui abandonne en guise de testament des extraits de textes anciens.
Un écrivain assiste à la vie de l’hôtel et s’essaie à en construire l’histoire à partir de quelques-uns de ses personnages. Cela nous vaut d’intéressantes séquences sur l’ancienne ville de Genève, quand elle était la capitale des Burgondes et que des légions oubliées la défendaient contre ses ennemis.
Petit à petit, l’histoire se construit, à mi-chemin entre le rêve et la réalité, entre les vivants et les fantômes.

JULIETTE DAVID, Suisse Magazine


Dans un hôtel, à Genève, un jeune écrivain rencontre un vieil historien, aveugle. Ils sympathisent
brièvement. Le vieux professeur disparaît mystérieusement en laissant derrière lui des extraits detextes anciens en guise de testament. Sur les traces de l’Histoire genevoise, l’écrivain tente alors de donner un sens à ces bribes manuscrites et de retrouver son éphémère ami. L’histoire, un peu confuse au départ, peine à démarrer, puis très vite passe au second plan et laisse place au seul plaisir de la lecture d’un auteur au style racé et poétique. Ce roman historique est un pur plaisir littéraire, avec la possibilité laissée au lecteur de plusieurs interprétations symboliques d’une narration en forme de chasse aux fantômes.
 
Le choix de la Société de Lecture. Plume au Vent (Décembre 2008)








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